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Olympe de Gouges

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1748-1793

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Marie Gouze, veuve Aubry, dite Olympe de Gouges Écouter, née le 7 mai 1748 à Montauban et morte guillotinée le 3 novembre 1793 à Paris, est une femme de lettres française, devenue femme politique. Elle est considérée comme une des pionnières du féminisme français.

Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l'esclavage des Noirs.

Elle est souvent prise pour emblème par les mouvements

pour la libération des femmes.

Contexte historique

Les femmes et la Révolution

La participation politique des femmes aux événements s’est affirmée durant la Révolution française. Tantôt dans la rue, tantôt dans les tribunes des clubs, sociétés ou assemblées, les femmes ont occupé le terrain de l’action militante à plusieurs reprises, en particulier du 31 mai au 2 juin 1793 et le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), journées insurrectionnelles qui virent respectivement la chute des Girondins et celle des robespierristes. Souvent surnommées péjorativement les « tricoteuses », en référence à l’occupation manuelle à laquelle elles continuent à se livrer dans les tribunes publiques, tout en participant activement aux délibérations politiques, ces militantes s’engagent sur tous les fronts : lutte contre la misère et la faim, contre la Gironde à la Convention, etc. Parallèlement à ces combats, un mouvement de défense des droits de la femme se fait jour, soutenu par quelques personnalités qui, comme Olympe de Gouges, Etta Palm d’Aelders ou Théroigne de Méricourt, revendiquent la liberté de la femme et l’amélioration de sa condition sur les plans civil, social ou économique.

Olympe de Gouges, une militante féministe

Née en 1748 à Montauban d’un père boucher ou, d’après ses dires, du noble Le Franc de Pompignan, Marie Gouze monte à Paris en 1766, après son veuvage, et, sous le nom d’Olympe de Gouges, se lance dans une carrière littéraire tout en partageant la vie de Jacques Biétrix de Rozières, un haut fonctionnaire de la marine. Auteur de nombreux romans et pièces de théâtre, elle s’engage dans des combats politiques en faveur des Noirs et de l’égalité des sexes.

Son écrit politique le plus célèbre est la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (septembre 1791), véritable manifeste du féminisme adressé à Marie-Antoinette. Prenant pour modèle la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle affirme que « la femme naît et demeure égale à l’homme en droits » (art. 1er).

À la suite de Condorcet, qui avait rédigé l’année précédente le traité Sur l’admission des femmes au droit de cité, elle considère que la femme détient des droits naturels au même titre que l’homme et doit pouvoir participer en tant que citoyenne à la vie politique et au suffrage universel. Olympe de Gouges revendique également pour les femmes la liberté d’opinion et la liberté sexuelle : à ce titre, elle réclame la suppression du mariage et l’instauration du divorce.

Sur le plan politique, d’abord attachée à une monarchie modérée, puis républicaine, elle rejoint les Girondins et, convaincue que les femmes doivent jouer un rôle dans les débats politiques, propose à la Convention d’assister Malesherbes dans sa défense du roi Louis XVI en décembre 1792, qu’elle juge fautif en tant que roi mais non en tant qu’homme. Toutefois, sa demande sera rejetée au motif qu’une femme ne peut assumer une telle tâche. C’est cet épisode malheureux que rappelle la légende manuscrite de l’aquarelle anonyme représentant Olympe de Gouges assise sur un fauteuil de style Louis XV, un livre à la main. Très fluide et transparente, cette aquarelle rehaussée de mine de plomb et le fond de paysage simplement esquissé annoncent le romantisme à venir.

En 1793, lors de la Terreur, Olympe de Gouges s’en prend à Robespierre et aux Montagnards qu’elle accuse de vouloir instaurer une dictature et auxquels elle reproche des violences aveugles. Après l’insurrection parisienne des 31 mai, 1er et 2 juin et la chute de la Gironde, elle prend ouvertement parti en faveur de celle-ci à la Convention. Arrêtée le 20 juillet 1793 pour avoir rédigé un placard fédéraliste à caractère girondin, Les Trois Urnes ou le Salut de la Patrie, elle sera jugée le 2 novembre et exécutée sur l’échafaud le lendemain.

La Révolution : une avancée pour les droits des femmes ?

Sur le plan politique, les révolutionnaires refusent de reconnaître le droit des femmes à participer à la vie politique. Après les avoir laissées un temps se constituer en clubs et se mêler aux mouvements populaires, un terme est officiellement mis à l’automne 1793 à toute activité politique féminine, avec l’interdiction des clubs féminins et le refus de la citoyenneté pour les femmes. Ce revirement de l’opinion se durcit en 1795, lors de l’insurrection de prairial (20-24 mai) : la Convention leur interdit d’abord l’accès à ses tribunes, puis d’assister aux assemblées politiques et de s’attrouper dans la rue, cependant que nombre d’entre elles sont pourchassées dans la nuit du 1er au 2 prairial et jugées par une commission militaire. Si les femmes se virent ainsi exclues des affaires de la cité, les révolutionnaires prirent néanmoins quelques mesures pour améliorer leur statut civil et social, et les soustraire à l’oppression masculine : l’égalité des droits de succession entre hommes et femmes fut admise le 8 avril 1791, le divorce, réclamé par Olympe de Gouges, instauré le 30 août 1792, et la reconnaissance civile concédée aux femmes le 20 septembre 1792, lors des lois sur l’état civil. Mais de telles avancées furent de courte durée, car le code civil napoléonien, promulgué le 21 mars 1804, rétablit bientôt les pleins pouvoirs du chef de famille. Seul le divorce échappe momentanément à ce retour en arrière : il ne sera supprimé qu’en 1816.

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Plaque commémorative, 4 rue du Buis, Paris 16e.

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« Dans cette maison habita Olympe de Gouges, écrivain féministe, 1748-1793. »

POSTAMBULE DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE (1791)

« Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'Univers, reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition, de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption, vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature. Qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. [...] Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de vous en affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir.»

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Son buste surmontant la déclaration des droits de la femme, salle des quatre colonnes du palais Bourbon.
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Olympe de Gouges à l’échafaud.

Dénoncée par son imprimeur, Olympe de Gouges fut arrêtée et incarcérée. Le 2 novembre, elle est condamnée à mort par le Tribunal révolutionnaire, et fut guillotinée le lendemain. C’est la deuxième personnalité féminine, après Marie-Antoinette, à connaitre la justice de la guillotine révolutionnaire. Elle fut, comme le couple royal, enterrée dans l’ancien cimetière de la Madeleine, où se trouve aujourd’hui la chapelle expiatoire.

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Guillotine au Champ de Mars
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Chapelle expiatoire

Un monument mémoriel.

La Chapelle expiatoire s’élève à l'emplacement où furent inhumés Louis XVI et Marie-Antoinette en 1793, après avoir été guillotinés sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). Sa construction est décidée en 1815 par Louis XVIII, frère de Louis XVI. Elle est achevée en 1826

Pressentie pour entrer au Panthéon, elle fut la première des féministes et le paya de sa vie. Guillotinée en 1793 sous la Terreur, Olympe de Gouges avait commis le crime de rédiger une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Ses combats contre toutes les injustices annonçaient ceux de notre siècle.

Un siècle et demi avant l'écriture du Deuxième Sexe par Simone de Beauvoir, une femme, Olympe de Gouges, avait voulu trancher l'hydre de la misogynie, ce frein entravant l'évolution des sociétés. Malheureusement, c'est sa tête à elle qui roula sur l'échafaud de la Terreur en 1793. Victime de son sexe, victime de ses idées trop humanistes, trop révolutionnaires pour la Révolution elle-même, victime aussi de son origine de classe. Son corps, lui, se retrouva à la fosse commune : son fils, Pierre Aubry, l'ayant reniée pour sauver sa propre tête du « rasoir national ».

Destin transgressif

Comme l'histoire est assez ingrate avec certains de ses « grands hommes », la pionnière Olympe de Gouges a dû subir une injustice supplémentaire : celle qui osa écrire, en 1791, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, acte fondateur d'un féminisme qui ignorait encore son nom, fut reléguée aux oubliettes par... les féministes. Quand elle ne fut pas considérée, au mieux, comme une courtisane par l'écrivain Restif de la Bretonne, qui la classa dans sa liste des prostituées de Paris, elle passa, au pis, pour une malade mentale, une « folle » selon l'historien Jules Michelet, une hystérique atteinte de paranoïa reformatoria (folie réformatrice) pour le Dr Guillois, docteur du service de santé des armées, auteur, en 1904, d'une étude consacrée aux femmes de la Révolution.

Jusqu'à ce que l'historien Olivier Blanc, en 1981, vienne l'extirper de cet injuste oubli avec une biographie fouillée et fort documentée, Marie-Olympe de Gouges, une humaniste à la fin du XVIIIe siècle. Et qu'Anne Hidalgo, la première adjointe au maire de Paris et candidate à la succession de Bertrand Delanoë en 2014, propose de la faire entrer au Panthéon. La patrie est toutefois aussi sexiste que lors de la conversion du monument d'église en caveau de la République, à l'occasion de la mort de Mirabeau, en 1791. En 2013, sur 71 personnalités à reposer sous la coupole, seules deux femmes y sont enterrées : Sophie Berthelot et Marie Curie. Et encore, pour de mauvaises raisons : afin d'accompagner leurs maris dans l'éden démocrate. Comme si Sophie sans Marcellin ou Marie sans Pierre n'auraient jamais pu découvrir ni certains principes chimiques, ni la radioactivité... Las.

Mais, avec Olympe de Gouges, c'est une tout autre histoire. Elle a eu, comme la philosophe et astronome Hypathie dans l'Alexandrie du IVe siècle, le tort d'être une personnalité hors normes, d'avoir une tête trop bien faite pour son temps, d'être en avance de quelques siècles. Pourtant, rien ne la prédestinait à penser et à vivre autrement que les femmes de son milieu. Cette petite provinciale de Montauban, née en 1748 des amours illégitimes d'un marquis, Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, épicurien, ami des lettres et auteur d'une Didon qui en fit à jamais l'ennemi personnel de Voltaire, et d'une fille du peuple, Anne-Olympe Mouisset, aurait dû avoir la vie toute tracée - par l'Eglise - des femmes de la petite bourgeoisie de l'Ancien Régime. A savoir, comme l'a résumé Elisabeth Badinter dans l'Amour en plus, demeurer « une créature essentiellement relative. [La femme] est ce que l'homme n'est pas pour former avec lui, et sous son commandement, le tout de l'humanité ».

Très peu pour Marie Gouze, qui, mariée à l'officier de bouche Pierre Aubry, contre son gré, à 17 ans, aussitôt mère, puis veuve à l'âge de 18 ans, décide d'être sa propre création. Les premiers actes d'indépendance de cette Occitane autodidacte, qui maîtrise mal le français, comme 90 % de la population d'alors : se forger un nom, écrire et ne plus se marier, car, comme elle l'écrira plus tard : « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour. » Elle lui préférera un contrat social de l'homme et de la femme, préfigurant, avec plus de deux cents ans d'avance, le Pacs. Désormais, Marie Gouze ne sera pas la veuve Aubry mais Olympe de Gouges. Et cette Olympe-là est décidée à prendre sa revanche sur la vie, à rayonner dans les lettres et dans les idées. Aujourd'hui encore, l'aura de ses Ecrits politiques est plus importante en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon qu'en France. Tout juste si l'on compte quelques lycées et places portant son nom. Pourtant...

Son destin transgressif est autant révélateur des blocages de son époque que du statut des femmes de son temps : considérées comme abritant aussi peu d'âme que les animaux, les frondeuses, ces politiquement incorrectes pleines d'espoir en la Révolution, finirent décapitées, comme Mme Roland, ou à l'asile, comme Théroigne de Méricourt, après avoir été fessée en place publique par une horde de sans-culottes. Car le paradoxe majeur de la Révolution française, fondée sur l'universalité du droit naturel, est qu'elle écarta des droits politiques et civiques la moitié de la société.

Pour autant, les combats d'Olympe de Gouges au XVIIIe siècle ne font qu'anticiper tous ceux qui ont agité le XXe et continué d'enflammer ce début de XXIe : lutte contre la tyrannie et pour la justice sociale, combat contre la peine de mort, égalité hommes-femmes... Les activistes des Femen, emprisonnées en Tunisie en raison de leur soutien à la féministe Amina Sboui, ne disent pas autre chose. A leur manière, elles revendiquent, deux cent vingt ans plus tard, le mot d'ordre d'Olympe : « Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de vous en affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir. » Et Olympe, éclairée par l'esprit des Lumières, savait de quoi elle parlait.

Militantisme humaniste

A son arrivée à Paris, elle rêve de théâtre. Introduite auprès des Comédiens du Français par la marquise de Montesson, épouse morganatique du duc d'Orléans, elle fonde une troupe. La première des 30 pièces qu'elle a écrites, Zamore et Mirza ou l'heureux naufrage, en 1785, traite d'un thème tabou, l'esclavage des Noirs. En critiquant le Code noir alors en vigueur, en osant aborder de manière frontale les problèmes du colonialisme et du racisme, la polémiste s'attire les foudres de la maréchaussée - la bataille d'idées vire au pugilat - et du maire de Paris, qui a tôt fait d'interdire la représentation.

Olympe évite, pour la première mais pas la dernière fois, l'embastillement. Acte fondateur d'un militantisme humaniste et de l'urgence de l'instauration d'une égalité pour tous, Zamore et Mirza signe l'engagement qui sera celui de sa vie pour la reconnaissance des droits de tous les laissés-pour compte de la société (Noirs, femmes, enfants illégitimes, démunis, malades...). Olympe et son théâtre engagé dérangent. Mais ce sont ses brochures politiques et, plus tard, ses affiches, imprimées à son compte et placardées dans tout Paris, qui signeront son arrêt de mort.

Les femmes avaient joué un rôle décisif dans le processus révolutionnaire ; la République établie, c'est tout naturellement qu'elles devaient s'abstenir de « politiquer » pour rejoindre leur foyer afin de réconforter ses combattants. Ainsi, le 30 octobre 1793, la Convention déchoit les Françaises de leur statut de citoyennes, accordé par la Législative. Deux ans auparavant, dans l'article I de sa Déclaration des droits de la femme, dédiée à la reine Marie-Antoinette, Olympe de Gouges osait écrire : « La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. » En vain. Il leur faudra désormais attendre 1945 pour obtenir enfin le droit de vote ainsi que celui de « monter à la tribune », après avoir eu celui de « monter à l'échafaud ».

Mais, en 1788, Olympe croit encore qu'elle peut exercer sa citoyenneté au féminin. Dans le Journal général de la France, elle publie sa « Lettre au peuple », un projet de caisse patriotique par une citoyenne, le premier de ses pamphlets politiques où, s'adressant au roi Louis XVI, elle propose l'instauration d'un impôt volontaire pour endiguer la pauvreté. Une première : « L'homme de la halle, ainsi que la femme de charge, éprouveraient une satisfaction sans égale de voir leur nom à côté de celui d'un prince de sang », conclut-elle, anticipant de cent-vingt six ans la création, en 1914, de l'impôt sur le revenu. Olympe va même plus loin.

Toujours dans le Journal général de la France, comprenant l'importance de la presse dans l'opinion publique, elle fait part, en décembre 1788, de ses « Remarques patriotiques », un programme de réformes sociales qui imagine une assistance sociale, des centres de soins et d'accueil pour les veuves, les vieillards et les orphelins, des ateliers d'Etat pour les ouvriers sans travail et un impôt, sorte d'ISF avant l'heure, sur les signes extérieurs de richesse (nombre de domestiques, de propriétés, d'œuvres d'art...).

S'ensuivront des dizaines de brochures et d'affiches où elle milite, entre autres, pour le droit au divorce, la recherche de paternité, la création de maternités, la féminisation des noms de métier, le système de protection maternelle et infantile... Des « élucubrations » qui ne seront mises en place qu'au... XXe siècle, et qu'on attendait si peu de la part d'une femme de son milieu. Même Mirabeau en convient : « Nous devons à une ignorante de bien grandes découvertes. »

Oeuvre de salut public

Son modernisme extravagant va de pair avec une folle lucidité et une dévastatrice ironie, que ne renient ni notre temps ni les mordantes Sophia Aram d'aujourd'hui. Ainsi déclarait-elle, dans sa « Lettre aux représentants de la nation », en 1789 : « Les uns veulent que je sois aristocrate ; les aristocrates, que je sois démocrate. Je me trouve réduite, comme ce pauvre agonisant à qui un prêtre demandait, à son dernier soupir : "Etes-vous moliniste ou janséniste ?" "Hélas, répond le pauvre moribond, je suis ébéniste." Comme lui, je ne connais aucun parti. Le seul qui m'intéresse vivement est celui de ma patrie, celui de la France... »

Ou déclarait-elle à une troupe armée venue prendre sa tête pour 24 sous, après qu'elle se soit proposée, au nom de son combat pour l'abolition de la peine de mort, comme avocate du citoyen Louis Capet : « Mon ami, je mets la pièce de 30 sous et je vous demande la préférence. » Louis XVI perdit sa tête le 21 janvier 1793. Sauvée par son humour, elle garda la sienne. Pour quelques mois seulement. Car, à la suite du collage dans Paris d'une affiche signée Polyme, l'anagramme d'Olympe, conspuant Robespierre, l'artisan de la Terreur, en des termes inadmissibles pour l'« ami du peuple » - « Tu te dis l'unique auteur de la Révolution, Robespierre ! Tu n'en fus, tu n'en es, tu n'en seras éternellement que l'opprobre et l'exécration... Chacun de tes cheveux porte un crime... Que veux-tu ? Que prétends-tu ? De qui veux-tu te venger ? De quel sang as-tu soif encore ? De celui du peuple ? » -, Olympe de Gouges, « royaliste constitutionnelle », récidive.

Elle fait imprimer, le 20 juillet 1793, une affiche bordée de rouge intitulée « Les trois urnes ou le salut de la patrie », où elle ne demande rien de moins que le droit au référendum des Français sur leur futur gouvernement. A charge pour les citoyens de préférer la monarchie, le fédéralisme ou la République. Accusée de remettre en cause le principe républicain, la Girondine est inculpée par le Tribunal révolutionnaire le 2 novembre. L'accusateur Fouquier-Tinville plaide « l'attentat à la souveraineté du peuple ». La cause sera vite entendue. Marie-Olympe de Gouges, veuve Aubry, 45 ans, est condamnée à la peine de mort. La sentence sera exécutée vingt-quatre heures plus tard. La semaine suivante, un commentaire paru dans le Moniteur universel, journal de propagande montagnarde, montre l'étendue de son crime : « Elle voulut être homme d'Etat. Il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d'avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe. »

Ce 3 novembre 1793, vers 17 heures, en montant à l'échafaud, place de la Révolution, l'actuelle place de la Concorde à Paris, Olympe de Gouges s'écrie : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! » A quelques mois de la célébration du 65e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, osera-t-on enfin rendre justice à cette ennemie de toutes les exclusions, à son œuvre de salut public ? Allez, messieurs les Elus républicains, de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace...

 

TROIS DATES

7 mai 1748

Naissance de Marie Gouze, à Montauban. Elle est la fille adultérine d'Anne-Olympe Mouisset et de l'homme de lettres Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. Son père «officiel», Pierre Gouze, un boucher, n'a pas signé l'acte de baptême, ce qui accrédite la thèse du député Jean-Baptiste Poncet-Delpech selon laquelle «tout Montauban» savait que le père naturel de la future Olympe de Gouges était l'auteur de la pièce de théâtre Didon.

Septembre 1791

La publication de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, où Olympe de Gouges prône l'émancipation féminine via l'égalité des sexes, est un véritable brûlot. Révolution au cœur même de la Révolution, ce texte, dédié à la reine Marie-Antoinette, la «première des femmes», engage la République à considérer la femme comme une citoyenne à part entière.

3 novembre 1793

Arrêtée en juillet 1793 pour avoir violemment interpellé Robespierre dans un texte intitulé «Les trois urnes», Olympe de Gouges est condamnée à mort. Celle qui avait affirmé que, si une «femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune», subira le «rasoir national» avec une dignité qui impressionnera la foule massée sur l'actuelle place de la Concorde.

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Olympe de Gouges remettant sa «Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne» à Marie-Antoinette. Estampe éditée en 1790. (Claude-Louis Desrais (illustrateur) et Frussotte (graveur), 1790./Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie/ Gallica)

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Portrait d'Olympe de Gouges (1748-1793) au Musée Carnavalet à Paris.• Crédits : Photo by Leemage/Corbis via Getty Images - Getty

En 2013, le président de la République François Hollande annonçait son intention de faire entrer de nouvelles personnalités au Panthéon. Interrogé sur le sujet cette année-là le 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, il avait déclaré qu’il était temps "d’accueillir des femmes au Panthéon". L'institution ne comptait alors que deux femmes : Marie Curie, inhumée pour sa carrière scientifique avec son mari Pierre ; et Sophie Berthelot, qui y repose en tant qu’épouse du scientifique Marcellin Berthelot, qu’elle assista dans ses recherches. 

Nombreuses furent les voix qui, cette année-là, plaidèrent pour l’entrée au Panthéon de Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, née en 1748, morte guillotinée en 1793. Occasion saisie par Emmanuel Laurentin pour consacrer une semaine de "La Fabrique de l’Histoire" à cette personnalité, qui fut l’auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en septembre 1791. 

Olympe de Gouges La femme a le droit de monter à l’échafaud,(1)
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Olympe de Gouges : "La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune"
Olympe de Gouges, des droits de la femme à la guillotine

Olympe de Gouges, des droits de la femme à la guillotine

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La révolution au féminin 1 et 2

La révolution au féminin 3 et 4

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