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Angélique-Marguerite Du COUDRAY Le Boursier (1715 ? 1794)
Première sage femme enseignante en maïeutique
Angélique du Coudray est indignée par les dégâts causés lors des accouchements. Maitresse-femme, elle va réagir et être à l’origine de l’enseignement de l’art des accouchements pour les sages-femmes.
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Au XVIIIe siècle, elle inventa le mannequin obstétrique pédagogique. Une innovation qui permit un important recul de la mortalité infantile. 

Au siècle des Lumières, l’art d’accoucher, appelé aujourd’hui obstétrique, n’était pas encore codifié. Il restait grevé d’une mortalité maternelle notable de 11 ou 12 femmes pour 1 000 et d’une mortalité infantile ahurissante avoisinant 250 pour 1 000 naissances, sans compter les enfants mort-nés tout aussi nombreux ! Dans les villages de province, ce travail était assuré par des femmes sans aucune instruction, les « matrones », qui le tenaient d’autres matrones. Dans les grandes villes comme à Paris il était l’apanage des sages-femmes qui dispensaient un enseignement pouvant donner droit, après deux ans d’apprentissage, au titre de maîtresse sage-femme. Les chirurgiens eux-mêmes accouchaient peu, se contentant de superviser ledit enseignement et d’en décerner les diplômes. À leur décharge, le fait que, pour accéder dans les hôpitaux aux

« salles des accouchées », royaume des sages-femmes, il fallait des dérogations rarement accordées au nom de la bienséance et des tabous sexuels de l’époque. Les médecins de ces temps-là, quant à eux, n’accouchaient jamais. Par contre, ils écrivaient et dissertaient beaucoup sur l’obstétrique, ne faisant que cultiver l’apparence d’un savoir à défaut d’un savoir-faire.

                                           "elle sauve La Fayette, dont la naissance se présentait très mal."

C’est dans ce contexte qu’Angélique Marguerite Le Bourcier du Coudray naît à Clermont-Ferrand en 1715. À Paris, au Châtelet, elle est d’abord apprentie sage-femme chez Anne Bairsin, puis diplômée de la confrérie de Saint-Côme (celui des chirurgiens) le 26 septembre 1739 et nommée sage-femme jurée diplôme qu’elle doit payer 180£ le 21 février 1740. Les années suivantes elle reste et travaille au Châtelet en tant que maîtresse sage-femme. En 1754, elle retourne dans son Auvergne natale où elle dispense un enseignement gratuit. Elle est intimement convaincue qu’en donnant aux matrones* des connaissances techniques solides, la mortalité infantile liée à l’accouchement peut être fortement réduite. Très pédagogue, elle écrit un « Abrégé de l’art des accouchements » riche en dessins et, surtout, imagine ce qui fut appelé « la machine de Mme du Coudray », un mannequin de démonstration permettant l’apprentissage pratique et « palpable » du geste obstétrical. Elle est à ce titre mondialement considérée comme la pionnière des techniques de simulation médicale. Son mannequin, fait de toile rose, de soie, de coton et d’autres étoffes, est un bijou d’inventivité, bâti autour d’un vrai bassin osseux de femme, ce qu’ont montré les radiographies des exemplaires parvenus jusqu’à nous. Il repose en position gynécologique sur une armature de fer. Sa partie supérieure s’ouvre pour montrer tous les organes du pelvis féminin parfaitement reproduits, avec 21 étiquettes qui les nomment. Sa partie inférieure porte les orifices avec tout un jeu de ficelles et de lanières permettant de simuler le passage de l’enfant dans le vagin, la dilatation du périnée, en bref toute la dynamique de l’accouchement. Le nouveau-né, avec son cordon ombilical, est lui-même articulé et flexible pour mimer toutes ses présentations possibles. Sa bouche est ouverte pour permettre à l’accoucheuse d’y introduire deux doigts, manœuvre qui facilite l’extraction d’un enfant se présentant par le siège…

*Les matrones sont de deux types : soit des personnes indépendantes, souvent pauvres, qui aidaient de leur mieux les parturientes, elles n’étaient généralement pas payées et recevaient pour leur peine un don en nature, soit des femmes désignées par le curé qui avaient le grand avantage de pouvoir ondoyer l’enfant en cas de problème et ainsi éviter que l’âme de l’enfant ne se perde dans les limbes !

Angélique du Coudray s’attaque à la formation de ces matrones. Les premiers essais sont des échecs. Face à des femmes souvent illettrées, elle se rend compte que la formation doit s’appuyer sur du concret. Son idée de génie est de réaliser un mannequin représentant le bassin d’une parturiente, avec un grand souci du détail pour faire des démonstrations.

Louis XV lui donne une pension de 8 000 livres par an pour prodiguer ses cours dans tout le royaume

La « machine » séduit tout le monde. En 1758, l’Académie de chirurgie l’approuve. En 1759, le roi Louis XV donne à Mme du Coudray un brevet et une pension de 8 000 livres par an, avec pour mission d’aller prodiguer ses cours dans tout le royaume. Elle est alors âgée de 47 ans. Elle sillonnera la France pendant vingt-cinq ans, de village en village, de ville en ville, s’arrêtant à chaque fois pendant deux mois (durée de l’enseignement), aidée par son neveu et sa nièce. Elle forma ainsi près de 5 000 matrones et 500 chirurgiens qui purent comprendre le mécanisme de l’accouchement et s’exercer sur des mannequins. Si technicienne elle fut avant tout, elle ne négligea jamais l’aspect psychologique de l’événement. « En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement possible, son état douloureux y engage », a-t-elle écrit. Entièrement dévouée à sa mission, elle ne se mariera jamais. La révolution de 1789 reconnaîtra son rôle après une enquête très favorable dans les provinces, mais elle n’aura plus de pension. Viendra la Terreur, pendant laquelle elle bénéficiera, pour services rendus, d’un certificat de civisme lui permettant d’échapper au pire. Elle habite alors chez sa nièce, Mme Coutanceau, et son mari (qui continueront son œuvre). Le 17 avril 1794, un jour où ils sont absents, elle meurt seule chez eux, à l’âge de 82 ans.

Abrégé de l’art des accouchements
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Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.1, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, partie inférieure du corps d’une femme, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Abrégé de l’art des accouchements (planches)
Le livre montrant les différentes positions pouvant se présenter lors de l’accouchement, avec des images en couleur. Il se présente sous forme de questions-réponses que les élèves doivent apprendre par cœur.
Angélique du Coudray, première sage-femme enseignante
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